Le 18 avril
Le jour et le mois me sont familiers car il s’agit de la date d’anniversaire de mon père.
En 1942, il vient d’avoir 16 ans mais ce qui va se dérouler cette journée-là dans le Pacifique va constituer une des plus audacieuses pages d’histoire de la seconde guerre mondiale.
Deux porte-avions américains, avec une escorte de quatorze navires, s'approchent le plus possible des côtes japonaises.
UN RAID SANS RETOUR
Peu après l'attaque de Pearl Harbor en décembre 1941 et l'entrée en guerre des États-Unis, les Américains souhaitent marquer les esprits et motiver l'effort de guerre. Les mauvaises nouvelles s'accumulent et le moral des Américains est au plus bas.
Les militaires désirent mener pour ces raisons un bombardement symbolique du Japon. Le lieutenant-colonel (et futur général) James H. Doolittle est chargé de monter cette opération exceptionnelle.
Les Japonais se croient à l'abri des bombardiers américains, qui n'ont pas un rayon d'action suffisant pour mener un raid. En effet, l'océan Pacifique est très vaste, et les Américains n'ont aucune base assez proche du Japon pour mener une mission de bombardement.
Le raid de Doolittle doit contredire les affirmations du haut commandement japonais qui disait que l'archipel resterait invulnérable. Il est le premier bombardement effectué sur le territoire même de l'empire du Japon par les forces armées des États-Unis durant la guerre du Pacifique.
Mais de fait, le raid est sans retour !
LE CHOIX DU BOMBARDIER
Doolittle est promu lieutenant-colonel le 2 janvier 1942 et part au quartier général de l'Army Air Force pour planifier le premier raid aérien contre le Japon.
Il est chargé de trouver des avions capables d'atteindre le Japon en emportant chacun une tonne de bombes. La seule option possible est de les faire décoller d'un porte-avions, qu'ils bombardent le Japon et se posent en Chine.
Le choix des cibles est délicat, il faut éviter de répéter l'erreur des Allemands qui ont attaqué le palais de Buckingham et ont renforcé la détermination des Britanniques. De ce fait, il est décidé d'épargner le palais impérial et de se concentrer sur des cibles militaires ou industrielles.Le bombardier moyen B-25 semble le plus approprié pour cette mission.
La distance nécessaire au décollage est normalement de 700 mètres et ne correspond en rien à celle d'un avion embarqué. Doolittle et son équipe se mirent au travail et cherchèrent des solutions pour alléger les appareils et décoller sur une distance aussi courte que celle d'un pont de porte-avions (150 mètres).Il est par conséquent décidé d'éliminer un maximum d'armements inutiles. Les avions vont voler en rase-motte et la tourelle sous l'appareil ne servant pas à grand-chose, es mitrailleuses arrière sont remplacées par des manches à balai dans l'espoir qu'aucun avion japonais ne restera dans le sillage du bombardier en cas d'attaque.
Après de nombreux essais sur la terre ferme à Norfolk en Virginie, et après avoir ajouté des réservoirs supplémentaires, l'opération semble possible !
UNE MISSION A TRES HAUT RISQUE
Dès 1944, un film dans lequel Doolittle sera interprété par Spencer Tracy sortira au cinéma.
Inspiré directement du mémoire écrit l’année précédente par Ted William Lawson sur sa participation au raid, il en conservera le titre : « 30 seconds sur Tokyo ».
Mais avant, il faut rappeler à quel point la mission était d’une extrême dangerosité dès les premières secondes.
Doolittle a également envisagé pour le raid le Martin B-26 Marauder, l’avion ayant la portée et la charge utile, mais ses exigences en matière de décollage sont trop élevées (vitesse/roulis de décollage).
Un pilote apprend un certain nombre de techniques pour faire décoller un avion ; il y a le décollage standard, le décollage en « champ court » et le décollage en « champ mou ».
Le décollage sur terrain court requiert simplement une accélération normale et une montée rapide à une vitesse de sécurité pour dégager un obstacle à la fin de la piste, mais un pont d’envol reste diablement court.
Le champ mou (décollage de la terre / de l’herbe) implique de décoller à la distance la plus courte possible car l’herbe / la terre constitue un frein majeur à vos roues et entrave l’accélération du décollage.
Il est assez facile de décoller à une vitesse minimale, mais on est généralement trop lent pour contrôler l'avion en toute sécurité. Cette technique suppose également de ne pas monter immédiatement afin de rester dans l'effet de sol pendant l’accélération jusqu’à atteindre la vitesse de vol de sécurité.
Les B-25 de Doolittle n’a aucun obstacle à franchir au décollage, mais l’effet de sol disparaît dès la fin du pont du porte-avions.
Celui-ci combine bien sur sa vitesse à celle du vent de face en vue de créer une vitesse relative aux appareils avant le lâcher des freins mais les pilotes n’ont toutefois que peu de marge d’erreur pour faire décoller les bombardiers entièrement chargés.
L’APPROCHE ET UN DECOLLAGE ANTICIPÉ
L’USS Hornet (CV-8) est choisi pour transporter Doolittle le plus près possible du Japon.
Le porte-avions quitte son port d'attache le 2 avril, non sans avoir attiré l'attention du public présent sur les quais.
En effet, les porte-avions transportent normalement des chasseurs et non des appareils lourds comme les B-25. Les rumeurs les plus folles alimentent le mystère autour de cette mission et pour couper court, il est décidé d'expliquer que les bombardiers sont simplement transportés jusqu'à Hawaii (bien qu'un B-25 reste capable de rallier l'archipel hawaiien par ses propres moyens).
Par ailleurs, le Hornet reste en danger jusqu'à ce que les B-25 libèrent le pont d’envol.
En cas d’attaque aérienne japonaise, il ne lui est pas possible d’envoyer ses chasseurs au combat.
Pour le protéger, l'USS Enterprise (CV-6), qui quitte sa base le 8 avril 1942, est chargé d’assurer la couverture aérienne et l'escorter dans sa mission.
Les chasseurs embarqués sont des Grumann F4F-4 « Wildcat ».
J’ai monté pour l’occasion un appareil ayant participé à la mission à partir de la boîte Tamiya au 1/48.
ATTENTION, car dans ce cas, il ne faut pas suivre la notice et boucher sur l’intrados les trous qui doivent recevoir les 2 réservoirs supplémentaires.
En effet, ces bidons n’ont été mis en œuvre qu’à partir de 1943 alors que l’appareil représenté est un F4F basé sur l’Enterprise le 18 avril 1942 !
Après un rendez-vous en mer, les deux porte-avions se rendent, avec une escorte de quatorze navires, au point choisi pour le décollage.
L'escadre doit absolument s'approcher le plus possible des côtes japonaises, mais malheureusement, le jour du raid, la petite force opérationnelle, toujours à plus de 600 km du Japon, rencontre le Nittō Maru , un engin de patrouille de 70 tonnes, qui émet un avertissement d'attaque au Japon.
Le bateau est coulé par le croiseur léger USS Nashville.
L'amiral Halsey insiste pour que les B-25 libèrent au plus tôt le pont du Hornet, les Japonais pouvant réagir très vite.
Encore à des centaines de kilomètres du point prévu, les équipages sont informés qu'ils n'auraient pas assez de carburant pour se rendre en sécurité sur leurs terrains d'atterrissage prédéterminés en Chine.
Doolittle qui s’est porté volontaire pour mener l'attaque et qui a reçu l'approbation du général H.H. Arnold, décolle à la tête des 16 bombardiers B-25 dont les cibles sont Tokyo, Kobe, Osaka et Nagoya. Ce sera sa première et seule mission de combat de sa carrière militaire en tant que pilote, et il recevra la Medal of Honor pour cet exploit.
Le 18 avril 1942, entre 08h20 et 09h19, c'est à dire 10 heures plus tôt et 170 milles marins (310 km) plus loin que prévu du Japon, les « Mitchell » s’élancent pour accomplir l’un des raids les plus audacieux de la guerre aérienne.
DOOLITTLE DEVIENT UN HEROS NATIONAL
La task force, après avoir été découverte par l'ennemi, retourne à Pearl Harbor qu’elle atteindra le 25 avril 1942.
Les B-25, quant à eux, volent vers le Japon, la plupart par groupes de deux à quatre aéronefs, avant de poursuivre individuellement au sommet des vagues pour éviter toute détection.
Ils survolent le Japon vers midi, heure de Tokyo, à une altitude de 460 m et bombardent dix cibles militaires et industrielles à Tokyo, deux à Yokohama et une à Yokosuka, Nagoya, Kobe et Osaka.
Bien que certains B-25 rencontrent des tirs antiaériens légers et quelques chasseurs ennemis au-dessus du Japon, aucun bombardier n'est abattu.
Seul le B-25 du 1er Lieutenant Richard O. Joyce subit des impacts mineurs dus à des tirs antiaériens. Le subterfuge des canons de queue simulés s’avère efficace car aucun avion japonais n’attaque directement par derrière.
Le B-25, piloté par le 1er lieutenant Everett W. Holstrom, largue ses bombes avant d'atteindre sa cible lorsqu'il est attaqué par des chasseurs japonais, sa tourelle ne fonctionnant pas.
De nombreuses cibles sont touchées par les mitrailleurs des bombardiers. Les Américains prétendent avoir abattu trois combattants japonais.
Quinze aéronefs se dirigent ensuite vers le sud-ouest en direction de l'est de la Chine. Le 16ème B-25, piloté par le capitaine Edward J. York, se dirige vers l'Union soviétique.
La nuit approche, les avions manquent de carburant et la météo se détériore rapidement. Par bonheur, un fort vent arrière augmente leur vitesse au sol de 25 nœuds (46 km / h) pendant sept heures.
12 aéronefs, après 13 heures de vol, se posent en catastrophe ou sont évacués au-dessus du sol chinois. Tous les équipages sont saufs à l’exception du caporal Leland D. Faktor, mitrailleur du « Whisky Pete », tué dans l’action. 3 appareils sont abandonnés en mer.
Sur les 5 hommes du B-25 « Le frelon Vert », 2 se noient et les 3 autres sont faits prisonniers à l’instar de l’équipage du « Bat hors de l'enfer » crashé à Ningbo en Chine orientale sous occupation japonaise.
Le 28 août 1942, Hallmark, Farrow et le tireur Spatz sont condamnés pour crimes de guerre car ils ont mitraillé et assassiné des civils japonais ?! Le 15 octobre 1942, à 16 h 30, ils sont exécutés.
Les autres prisonniers sont maltraités, sous-alimentés et leur santé se détériore rapidement. En avril 1943, ils sont transférés à Nankin, où Meder décède le 1er décembre 1943. Les hommes restants - Nielsen, Hite, Barr et DeShazer - sont libérés par les troupes américaines en août 1945.
Diplômé de l’Université Seattle Pacific en 1948, DeShazer retournera au Japon en tant que missionnaire, où il servira pendant plus de 30 ans.
L’appareil du capitaine Edward York atterrit à 65 km au-delà de Vladivostok à Vozdvizhenka. Son B-25 est confisqué et l‘équipage interné, en vertu du droit international, l’Union soviétique n’étant pas en guerre avec le Japon.
Transférés à Ashkhabad , à 32 km de la frontière iranienne, on sait aujourd’hui que le NKVD les a aidés à franchir la frontière iranienne, à l’époque sous occupation soviétique. Le 11 mai 1943, les Américains parviennent au consulat britannique situé à proximité.
En Chine, Doolittle atterrit dans une rizière près de Quzhou. Lui et son équipage reçoivent l'aide de soldats et civils chinois, ainsi que de John Birch, un missionnaire américain en Chine.
Immédiatement après le raid, Doolittle pense que la perte des 16 avions, associée aux dommages « relativement mineurs » causés aux cibles, font de l'attaque un échec et il s'attend à passer en cour martiale à son retour aux États-Unis.
Mais le raid a vraiment renforcé le moral des Américains et 69 aviateurs ont échappé à la capture ou à la mort. Promu brigadier-général le 28 avril, alors qu'il est encore en Chine, Roosevelt lui décerne la Médaille d'honneur à son retour aux États-Unis en juin.
Il s’agit de la mission la plus longue du bombardier moyen B-25 Mitchell, avec une moyenne d’environ 2 250 milles marins (4 170 km).
Après le raid, l'armée impériale japonaise, afin d'empêcher que ses provinces de la côte Est de la Chine ne soient à nouveau utilisées pour attaquer le Japon, détruit tous les aérodromes sur une zone d’environ 50 000 km² (Opération Sei-go). Le fait que des bombardiers moyens, normalement basés à terre ont mené l'attaque, créé la confusion chez les japonais. Savoir le Japon vulnérable aux attaques aériennes renforce la détermination de Yamamoto de s'emparer de Midway.
Cette bataille sera une défaite décisive des Japonais… Mais c’est une autre histoire !
ORDRE DE LANCEMENT DES 16 APPAREILS
En ordre de lancement, les 16 avions étaient les suivants:
Numéro de série AAF | Surnom | Sqdn | Cible | Pilote | Disposition |
40-2344 | Tokyo | Lieutenant-colonel James H. Doolittle | s'est écrasé N Quzhou , Chine | ||
40-2292 | 37ème BS | Tokyo | 1er lieutenant Travis Hoover | s'est écrasé à Ningbo , Chine | |
40-2270 | Whisky Pete | 95ème BS | Tokyo | 1er lieutenant Robert M. Gray | s'est écrasé SE Quzhou, Chine |
40-2282 | 95ème BS | Tokyo | 1er lieutenant Everett W. Holstrom | s'est écrasé SE Shangrao , Chine | |
40-2283 | 95ème BS | Tokyo | Capt. David M. Jones | s'est écrasé au sud-ouest de Quzhou, en Chine | |
40-2298 | Le frelon Vert | 95ème BS | Tokyo | 1er Lieutenant Dean E. Hallmark | abandonné en mer Wenzhou , Chine |
40-2261 | Le canard rompu | 95ème BS | Tokyo | 1er lieutenant Ted W. Lawson | abandonné en mer Changshu , Chine |
40-2242 | 95ème BS | Tokyo | Capitaine Edward J. York | interné Kraï du Primorski , URSS | |
40-2303 | Derviche tourneur | 34ème BS | Tokyo | 1er lieutenant Harold F. Watson | s'est écrasé S Nanchang , Chine |
40-2250 | 89ème RS | Tokyo | 1er lieutenant Richard O. Joyce | s'est écrasé NE Quzhou, Chine | |
40-2249 | Hari Kari-er | 89ème RS | Yokohama | Capitaine C. Ross Greening | s'est écrasé NE Quzhou, Chine |
40-2278 | Fickle Finger du destin | 37ème BS | Yokohama | 1er lieutenant William M. Bower | s'est écrasé NE Quzhou, Chine |
40-2247 | Le vengeur | 37ème BS | Yokosuka | 1er lieutenant Edgar E. McElroy | s'est écrasé N Nanchang, Chine |
40-2297 | 89ème RS | Nagoya | Maj. John A. Hilger | s'est écrasé SE Shangrao, Chine | |
40-2267 | TNT | 89ème RS | Kobe | 1er lieutenant Donald G. Smith | abandonné en mer Changshu, Chine |
40-2268 | Bat hors de l'enfer | 34ème BS | Nagoya | 1er lieutenant William G. Farrow | s'est écrasé à Ningbo, Chine |